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Ad Astra, James Gray (2019)

Photo du rédacteur: ValentinValentin



"Et n'appelez personne sur la terre votre père; car un seul est votre Père, celui qui est dans les cieux."


La nouvelle réalisation de James Gray (The immigrant, The lost city of Z) a provoqué un émoi certain au sein de la communauté cinéphile. Particulièrement apprécié chez les uns, incompris pour les autres, le metteur en scène américain s’attelle pour la première fois à un sujet mêlant cosmos et réflexion identitaire. Mais qu'en est-il vraiment ?


Fast-checking


Ad Astra a été copieusement comparé à un Space Opera digne de 2001 l'Odyssée de l'Espace. Ce qui constitue, pour moi, une grossière erreur. En de nombreux points, le film ressemble à un Apocalypse Now pour cet aspect contemplatif et le combat intérieur du personnage principal incarné par Brad Pitt. Nourri d'une réflexion profondément biblique, la chevauchée de cet homme à travers les confins de l'univers prend l'allure d'une quête d'identité à travers le prisme paternel. Comme ce verset de l'évangile selon Saint Matthieu, chapitre 23 verset 9 l'indique, Roy McBride n'existe qu'à travers le filtre de son père, et c'est tout là l'enjeu de cette Odyssée homérique contemporaine, qui comporte autant de qualités que de grossiers défauts.


Vers l'infini...et l'au-delà ?


Sur le plan purement narratif, nous reconnaîtrons à James Gray une constante certaine : celle de la recherche du père présente depuis plusieurs de ses films. Dans Ad Astra, Brad Pitt, astronaute égocentrique et incapable de quelconque introspection fructueuse, marche sur les sinistres traces de son père parti 30 ans plus tôt dans une mission secrète. Désormais à proximité des anneaux de Saturne, son paternel cherche désespérément l'existence de toute forme de vie et d'intelligence dans l'espace. Mais son obstination l'a mené à commettre l'irréversible. Et si finalement, l'homme était seul dans l'univers ? La religion nous pousse clairement à croire cette pensée qui paraît depuis la nuit des temps si impensable. Mais penser l'impensable pousse l'homme à réfléchir sur lui-même et sur sa propre condition.

Le scénario d'Ad Astra tient au mince fil de la réflexion théologique de la relation entre le Père (au sens biblique, principalement) et à son fils. En d'autres termes, la réflexion du film embrasse quelque chose qui est bien plus grand : la société contemporaine dans son ensemble. Malheureusement, j'ai le sentiment personnel que c'est un échec. On ne se sent pas nécessairement embarqué dans la vision globalisante de James Gray qui entame pourtant dès le début de son film quelque chose de véritablement intéressant.

Je n'ai jamais reproché à ce genre de films d'être trop contemplatifs et incompréhensibles. Pourtant Ad Astra me laisse un terrible sentiment : J'ai l'impression que James Gray ne savait pas véritablement où se situer dans son travail : irréaliste, trop abstrait, ne possédant pas la profondeur escomptée... Fruit d'un travail de longue date (plus de 10 ans), Ad Astra possède, d'un point de vue strictement narratif, un script alambiqué à plusieurs moments. Le film nous emmène pendant plus d'1h30 jusqu'aux confins de l'univers, un chemin intérieur particulièrement long et difficile, pour que ce Père, incarné par un Tommy Lee Jones fatigué finisse par briser en deux cette réplique de la création d'Adam. Dommage. Mais Roy est libéré de son emprise, et peut rentrer sur terre.


Plusieurs autres éléments me chagrinent tout particulièrement. Sans oser le comparer à quelques autres blockbusters comme Interstellar ou Gravity, le film de James Gray ne s'oriente que très légèrement vers la voie du visuellement impressionnant, pour laisser s'exprimer un registre plus poétique, méditatif. Pourtant, plusieurs scènes viennent rompre cet platitude spatiale, ce qui constitue, je le crois, une grossière erreur. L'aspect trop héroïque du personnage de Brad Pitt donne à voir un film à grand budget aux décors soignés, à la photographie impeccable. Mais pourtant, le cruel manque de réalisme nuit particulièrement au film. S'il faut en conclure que ces péripéties abracadabrantesques ne sont que l'allégorie des tiraillements de l'âme de Roy McBride, j'en conçois. C'est une chose qui demeure très similaire au travail mené par Kubrick en 1968. Mais la seule différence est que les lois de l'univers sont tout aussi inabrogeables que les voies du seigneur qui demeurent impénétrables. Plusieurs passages sont à contre-courant de tous les films récents sur la conquête de l'espace : rovers lunaires à l'apparence quasi soviétique, traversée des anneaux de saturne à l'aide d'un mince bouclier métallique, montée dans une fusée avec les réacteurs parés au lancement...

Dans ce passage précis, la salle de communication sécurisée prend l'allure d'un confessionnal.

Brad Pitt, représentant d'une société déstructurée cherchant désespérément son Père tout puissant (existe t-il vraiment ? A t'il vraiment fait ce que disent les récits bibliques ? Est-il toujours parmi nous et où se trouve t'il ?) imprègne, imbibe tout l'écran de son aura splendide et parfaite en incarnant un homme égocentrique, incapable de se remettre en question. Comme la société, son état psychologique est instable, mais tous les tests (à l'exception d'un seul), l'avouent comme sain et paré à en savoir plus. Sur ce point-là, c'est réussi, mais pas assez exploré, ou peut-être trop ambitieux. La question de l'interprétation des acteurs pose un léger problème, lorsqu'on sait que Brad Pitt est seul au monde dans ce film, dans la mesure où Donald Sutherland (84 ans) et Tommy Lee Jones (73 ans) apparaissent peu de temps. Il me semble d'ailleurs que ce dernier ait bénéficié pour plusieurs scènes d'un rajeunissement numérique. Pitt apparaît assez souvent sans grande émotions, presque apathique, mais son talent est indéniable et il mène relativement bien les choses. A condition de l'apprécier.


Le soin des images



C'est visuellement superbe.

D'un point de vue stylistique et artistique, le film demeure une grande réussite. Quelques courtes minutes suffisent pour entraîner le spectateur dans cette chute symbolique prenant place en opening. L'espace nous envoie des signaux que nous ne comprenons pas, et l'homme poursuit son dessein égoïste qui l'entraîne inlassablement vers sa chute depuis une tour de Babel de métal et de panneaux solaires. De part et d'autre, les explosions viennent signifier la destruction de ce lien qui unit le ciel à la terre, et la chute irréversible ne tient qu'à ce mince parachute de l'existence, et plutôt que d'envoyer McBride ad patres, ce dernier finit ad astra.

La photographie, tout particulièrement soignée, est l'un des points forts de ce film et contribue tout particulièrement à accroître cette idée de poésie stellaire qui est développée. Certaines scènes sont belles et voluptueuses. Ce n'est absolument pas étonnant puisque le directeur de la photographie est l'un des maîtres actuels de la photo, Hoyte van Hoytema, ayant officié sur le très bon Her, mais aussi Interstellar, 007 Spectre, Dunkerque et bientôt Tenet, de Nolan. A défaut de respecter les lois de la physique élémentaire, James Gray et ses décorateurs ont développé quelque chose de très crédible et plutôt impressionnant. Plusieurs scènes à l'intérieur des modules donnent à voir une grande finesse des décors. Les effets spéciaux, qui arborent le film de manière régulière, sont bien travaillés. Enfin, l'ambiance sonore est un autre point fort. Max Richter et Lorne Balfe effectuent une collaboration de qualité.


Conclusion


Ad Astra est donc, en résumé, un film particulièrement ambitieux qui a le mérite d'être visuellement riche. Il séduit pour son côté méditatif et les images n'apparaissent que comme le support d'une réflexion bien plus élaborée, dont on ne saisit pas toujours la volonté. Ad Astra s'impose sans aucun doute comme une métaphore puissante sur les relations entre Dieu et les hommes, mais James Gray, s'envolant pour la première fois dans l'espace, ne convainc pas toujours le spectateur.

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