Le titre de ce film sonne comme un cri mêlant fierté et souffrance, et le réalisateur également connu pour son travaille de documentariste signe un film poignant sur la condition du monde agricole en dressant le tableau d'une exploitation au gré du temps qui passe et des mutations des méthodes d'élevage. (spoilers)
Tiré d'une histoire vraie, Au nom de la terre se regarde comme un documentaire au plus près de la vie d'une famille qui, de père en fils, a dédié sa vie à l'agriculture. Mais lorsqu'au milieu des années 1970, le père Jarjeau (incarné par un très juste Rufus) voit son exploitation de moutons rachetée par son fils Pierre, les choses changent. Revenant des Etats-Unis, ce dernier n'a clairement pas les mêmes ambitions. La fin des Trente-Glorieuses signifie un nombre important de changements chez les agriculteurs. Pierre Jarjeau a préféré les chevreaux aux moutons. Plus rentables, ils lui assurent un salaire convenable complété par sa femme, comptable. Mais, alors que la demande devient de plus en plus croissante, Pierre doit produire plus. Il doit investir pour perdurer. Corps et âme, Pierre donne tout jusqu'à ce qu'il s'oriente vers l'élevage intensif de poulets gavés en quelques semaines seulement. Les années 1990 sont là et loin est le rêve américain des ranchs de plusieurs hectares. Pierre Jarjeau et sa famille, sont les propriétaires d'une exploitation de plus en plus soumise aux conditions financières des entreprises comme "Poulavie", incapables d'assurer un service après-vente alors que les installations dysfonctionnent.
Au nom de la terre est un drame social par excellence dont les conditions sont réunies pour en faire un bon film sensibilisant à destination du commun des mortels. Filmé simplement, interprété avec justesse par un Guillaume Canet au registre émotionnel toujours aussi soigné. Regrettons simplement que le dernier tiers du film, après l'incendie de l'exploitation, efface légèrement le message délivré : Pierre Jarjeau, désemparé, sombre dans la solitude et sa souffrance est si intense que son internement demeure nécessaire pour le protéger de sa famille et de lui-même. Trop centré sur la condition psychologique d'un personnage très affaibli, le film oublie la terre et se concentre trop sur les émotions de Guillaume Canet, sa décrépitude. La fin, tragique et absolument inéluctable, parachève le tout pour laisser place aux images du vrai Pierre Jarjeau et de ses proches.
Il n'en reste pas moins que cette histoire vraie est un témoignage poignant sur le sang et les larmes versés dans chaque assiette que le français consomme tous les jours depuis des décennies. On apprécie la caméra d'Edouard Bergeron d'un grand réalisme et d'une grande sincérité, mais aussi le travail d'acteur de la part de Guillaume Canet, Anthony Bajon, Veerle Baetens.
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