En 1h21, le réalisateur américain parvient à convaincre de son art grâce à une impressionnante maîtrise technique, doublée par un scénario choc.
Palme d'Or et prix de la mise en scène du festival de Cannes en 2003 octroyée par le réalisateur français Patrice Chéreau, Elephant est une oeuvre particulièrement bien réalisée, dont on apprécie la grande qualité narrative. S'inspirant de la tragique tuerie du lycée de Columbine (Etats-Unis) Gus Van Sant décide de livrer une vision personnelle de l’événement qui déchira l'Amérique, ôtant la vie à 15 lycéens, en blessant 24.
Grâce à une caméra sobre, intimiste et intelligente, le metteur en scène s'immisce au sein d'un véritable lycée américain, en choisissant de filmer non pas des acteurs, mais plutôt de vrais adolescents n'ayant aucun passé dans le monde du cinéma. Cela permet à chacun d'eux de livrer une prestation réaliste et particulièrement troublante lorsqu'il s'agit de se focaliser sur les deux meurtriers.
Ce qui rend le film particulièrement poignant reste la qualité avec laquelle Gus Van Sant filme chacun des lycéens, en accordant une place majeure aux corps en mouvement, aux sentiments, aux fluctuations des corps et des esprits. Gus Van Sant ne filme pas, mais peint plutôt un lycée avec une précision pointilliste. C'est aux détails qu'il convient d'accorder de l'importance : les hobbies des uns, les discussions des autres. Car au sein même de cette fourmilière d'idées, un mal-être règne parmi certains élèves. C'est de l'origine du mal qu'il s'agit.
L'espace-temps très réduit du film (tout se déroule dans un laps de temps finalement très court) permet non pas de contraindre le réalisateur mais, bien au contraire, de filmer en multipliant les points de vue, ce qui est, à mon sens, une réelle originalité stylistique. Les mêmes moments, si anodins à l'échelle du spectateur et pourtant si importants à l'échelle du lycéen sont observés tour à tour à travers le regard des différents protagonistes partageant ce fragment de temps.
Une pellicule étendue sur un fil, un livre rangé sur un rayon de bibliothèque, un baiser sur la joue, une discussion entre filles... Tout ce microcosme est finalement bouleversé. Si brutalement, l'innocence fait place à la violence. Pourtant cette première germait dans l'esprit de deux lycéens marginalisés, à l'apparence pourtant anodine. Délaissés par leur famille, livrés à eux mêmes et constamment mis de côté au sein de leur lycée, ces deux assassins en devenir ne deviennent en réalité que de pur produits de la société américaine, entre culte de la violence et libre circulation des armes à feu.
Brisé, déchiré, ce tableau pointilliste qui n'était finalement accroché qu'au mince fil de la vie finit par se détacher, pour finalement s'exploser au sol au bruit des armes automatiques ôtant la vie de jeunes adultes.
Ce que l'on retient d'Elephant, c'est sa grande violence, marquante, traumatisante. Car si celle si ne s'exprime qu'à la fin de l'oeuvre, cette fureur est latente et rien ni personne ne peut l'arrêter. C'est finalement ce sentiment d'impuissance qui pèse profondément sur le spectateur qui assiste, à bien des égards, au premier des drames qui pèse encore sur une Amérique troublée par un passé violent et conservateur.
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