Le face à face aux sommets de deux grands du cinéma américain, dans un film de gangsters au scénario impeccable et au rythme effréné, révélant les qualités de Michael Mann comme réalisateur de talent.
Synopsis
Neil est le chef d’une équipe de braqueurs d’élite du côté de Los Angeles. Ancien tôlard, dur à cuire et professionnel du grand banditisme, il mène à bien l’attaque d’un fourgon blindé qui dérape. La dernière recrue appuie sur la détente ; le casse est en partie un échec, seuls des bons ayant été dérobés du fourgon. Le crime commis met sur la piste de Neil l’un des meilleurs lieutenants de la brigade criminelle de Los Angeles, Lt. Hanna. Une traque sans relâche pour faire tomber le boss et son équipe s’initie. Alors qu’aucune pitié n’existe des deux côtés, la poursuite s’avère plus compliquée que prévue, mettant les sentiments des deux hommes à rude épreuve. Cette enquête, plus personnelle que jamais, mène le Lieutenant au bord de la falaise.
Analyse
Film de la reconnaissance ultime pour son réalisateur, Heat est un impressionnant tour de force qui inspire le respect pour bien des raisons. Particulièrement ambitieux, grandiose et laissant souvent sur le carreau le spectateur embarqué à bout de souffle dans quelques scènes haletantes, Michael Mann fait de la confrontation entre Robert de Niro et Al Pacino, deux monstres sacrés du Septième Art, un grand moment de cinéma.
L’impressionnante maîtrise technique est flagrante et se perçoit à travers tout le film. Nous pourrions citer une simple scène pour en prouver le défi monumental : celle de la fusillade est unique en son genre et demeure certainement toujours aussi brillante. Mann transpose des esprits tiraillés dans un chaos de balles et de bris de verre, le tout filmé avec précision. Mais, surtout, c’est cette ambiance inédite qui se dégage de ce film, quelque chose d’instable, d’incertain, de violent, sans détour. Les scènes nocturnes urbaines sont brillamment photographiées, marquantes, les plans sont soigneusement choisis. Notons par exemple le choix de ne jamais montrer De Niro et Pacino dans un plan d’ensemble mais de toujours accentuer leur face à face en utilisant un champ/contre-champ.
En quasiment trois heures, malgré quelques lenteurs véritables, Mann fait de ce film partant d’un postulat très simple - voleur contre policier - quelque chose de très personnel évoquant avec sincérité les sentiments humains, le cadre familial et ses attaches. Le tout est imprégné d’une noirceur profonde, indélébile. Plus encore, Michael Mann tire tous les fruits de la première vraie rencontre entre les deux acteurs : plutôt que les opposer strictement, il en fait deux ennemis pourtant connectés. Ils ne sont autre que les revers d’une même pièce, effectuant leur métier respectif avec la plus grande rigueur et le plus grand dévouement possible. Animés par une doxa, un code d’honneur qui leur est propre. De son côté, Neil se refuse à toute relation amoureuse qui le tiendrait pas des liens fermes. C’est l’inverse pour Le Lieutenant qui, ayant une vie de famille, voit celle-ci se briser petit à petit.
"Si tu veux faire d’vieux os dans c’métier soit libre comme l’air, tout ce qui a pu prendre une place dans ta vie tu dois pouvoir t’en débarrasser en 30 secondes montre en main, dès que t’as repéré un seul flic dans le coin." Neil McCauley
Mais Michael Mann expose avec brio la vulnérabilité de chacun des personnages principaux et en particulier Robert de Niro emprunt à la fois à un extrême sang froid mêlé à une violence sans limites, un esprit vengeur, tout comme une inflexion à la mélancolie, aux sentiments amoureux. De la première à la dernière scène, impressionnante de sincérité, Heat est bien plus qu’un film de banditisme.
L’inspiration des interprètes y est certainement pour beaucoup : une distribution impeccable et tout à fait convaincante entoure les deux grands acteurs. Robert de Niro, qui la même année est l’acteur principale de la fresque de Martin Scorsese Casino, y trouve l’un de des meilleurs rôles. Al Pacino, devenant petit à petit celui qu’il traque tel un loup chassant sa proie, est aussi très convaincants, capable de monter dans les tons, quelquefois même explosif. Finalement, il n’est pas si anodin de dire que De Niro et Pacino possèdent dans Heat des destins croisés. Alors que tout semble les séparer, la réalité est autre. Un ensemble d’événements, de choix décisifs, révéleront tour après tour leur nature humaine véritable. De faux pas en faux pas, l’étau se resserre inéluctablement. De la première confrontation entre les deux protagonistes où Al Pacino observe son antagoniste en plongée, en résulte une traque finale intelligemment mise en scène. En bref, Heat demeure un film grandiose et mémorable, par la puissance de son scénario et la force de ses images. Rarement l’affrontement inédit de deux acteurs de la même génération aura été aussi réussi !
Disponible sur Amazon Prime Video.
Comments