Peut-on rire de tout ? Parler avec dérision de l'absurdité de la guerre n'est clairement pas une chose facile. Mais c'est sur le ton de l'humour et de la satire que Taika Waititi, réalisateur et acteur de ce film parvient à faire parvenir au spectateur un message particulièrement actuel. Mon Analyse.
Résumé :
Johannes, jeune enfant en plein coeur de la guerre, est enrôlé dans le jeunesses hitlériennes. Adepte du dictateur à qui il voue un culte inconditionnel et aveuglant, Jojo trouve en une version caricaturale et grossière d'Adolf Hitler un ami à qui parler dans les moments les plus difficiles de sa jeune vie. Pourtant, lorsqu'il découvre qu'une juive est cachée dans les combles de sa propre maison, c'est tout sa vision du monde et son ultra-nationalisme qui sont mis à rude épreuve, tandis que son ami imaginaire l'empêche tout faux pas...
Analyse :
Enfant ô combien motivé pour défendre son pays, Jojo est toutefois un enfant particulièrement maladroit. Enrôlé dans les jeunesses hitlériennes, là où il apprend à tuer des juifs, brûler des livres et à flairer l'ennemi, le voici, courant avec toute la vigueur d'un jeune allemand embrigadé, grenade en main. Son destin de futur garde rapproché d'Hitler se retrouve soudain ébranlé quand la mort le frôle à cause d'une malheureuse grenade maladroitement lancée... Jojo, le visage scarifié, portant les stigmates visibles d'un esprit tiraillé par des idées nationalistes, se retrouve seul, à la maison, auprès de sa mère. Pourtant, toutes ses certitudes qu'il avait jusqu'à présent, celles d'une race aryenne supérieure, d'une race juive ennemie de l'humanité, se retrouvent littéralement ébranlées par la découverte dans la chambre de sa soeur d'une réfugiée...juive ! En bon petit soldat, aussi bancal qu'il soit, Jojo défend corps et âme tout ce dont le fruit de son imagination, associé aux textes ayant fait de lui un parfait jeune embrigadé ont forgé dans son esprit. Jojo, doit apprendre que l'altérité n'est pas toujours ce que l'on croît et que "l'autre", c'est d'abord une question de regard. Les juifs sont ils finalement si mauvais que ça ? Jojo n'en est plus si sûr...
Jojo Rabbit n'est rien d'autre que le récit du passage à l'âge adulte, celui de l'émancipation de l'esprit. Cette transition, opérée à travers le prisme du nazisme, est particulièrement réussie. Le film quitte les carcans de la satire simple et sans saveur pour aborder le monde à travers le regard d'un enfant. Véritable récit initiatique, Jojo Rabbit convainc et renouvelle les choses et fait la part belle aux sentiments humains, à l'innocence, à la volonté de se dresser au-delà des préjugés et des stéréotypes. Le passage de Jojo Rabbit à Jojo est délicat, mais des ruines d'un esprit de jeune enfant embrigadé se dressent les fondations de la tolérance, du partage et de l'amitié.
Ce discours, travaillé tout le long du film, obtient un écho qui reste toujours particulièrement d'actualité. A l'heure des fake-news, et des multiples rumeurs racistes, racialistes ou antisémites, un nombre considérable d'individus sont stigmatisés par des récits monolithiques semblables à ceux mis en exergue à travers Jojo Rabbit. Non, les juifs ne dormaient pas comme des chauves-souris, n'étaient pas attirés par l'argent ou ne lisaient pas à travers les pensées des individus. L'esprit de l'homme regorge en lui un nombre impressionnant de croyances, qu'il convient de dépasser. C'est peut-être aussi cela, est un Animal social. A l'image de Jojo, que tout semblait faire un parfait petit nazi, nous pouvons tous aussi être les héros, pour juste une journée, ou bien pour la vie entière, en refusant les discours préformatés qui nous sont inculqués par quelques individus mal intentionnés.
You Were Chosen By A Pathetic Little Man Who Can't Even Grow A Full Mustache !
Sous le fond de l'humour, Jojo Rabbit traite d'un sujet particulièrement grave. Si ce n'est pas la première fois que les nazis sont moqués à l'écran avec férocité, le film prête des traits particulièrement risibles à Adolf Hitler, lequel est incarné par le réalisateur en personne, d'origine juive. Blagues, gags, contrepèteries et comique de situation ou de gestes donnent un certain charme à la pellicule qui se distingue aussi par de belles images, un soin apporté aux costumes, aux décors et à la bande-originale. Si son côté décalé n'est jamais nié, ses aspects dramatiques ne sont pour autant pas négligés car en toile de fond se file un discours impeccablement mis en scène et agréable à regarder. Jojo Rabbit, sorte d'ovni s'adressant tant aux adolescents qu'aux adultes est une réelle réussite, qui tient aussi à l'engouement général de ses acteurs qui adhèrent tous visiblement au projet du réalisateur.
En prime, une scène finale sur fond de "Helden" de David Bowie, célébrant un Berlin libéré de la tyrannie...
"Laissez tout vous arriver Beauté et terreur Continuez juste à le faire Aucun sentiment n’est définitif." Rainer Maria Rilke
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