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La dernière séance, Peter Bogdanovitch (1971)

Photo du rédacteur: ValentinValentin


Aussi difficile que fut la transition entre une Amérique conservatrice et une nouvelle génération emprunte d'une soif de liberté et d'une réelle volonté d'émancipation, il existe quelques rares films dont l'état d'esprit est particulièrement révélateur de cette période particulièrement complexe d'un point de vue socio-culturel. La dernière séance, est sans conteste le film le plus célèbre et le plus acclamé de son réalisateur bien que pas nécessairement très connu des amateurs de cinéma. Dernière séance du film d'une Amérique vieillotte et bridée, l'oeuvre met en avant une nouvelle façon de penser émergeant dans un pays en déclin ou la ruralité souffle ses dernières bougies.

Contrairement à plusieurs réalisateurs du "Nouvel-Hollywood", P. Bogdanovitch ne prend pas le Viêtnam comme point d'ancrage mais opte pour une réelle originalité scénaristique et artistique : d'abord, un retour en arrière de 20 ans, permettant à l'intrigue de se dérouler au tout début des années 1950, puis l'utilisation d'un noir et blanc inquiétant et crépusculaire sur le conseil d'Orson Welles. Grâce à cela, le récit d'une jeunesse désœuvrée et découvrant la vie demeure le tableau, la chronique d'un pays ou la ruralité s'est enquise depuis des générations d'une véritable étroitesse d'esprit, d'une pensée rétrograde et où la jeunesse, perdue, est en quête de son identité. D'un côté comme de l'autre, adolescents comme adultes font face à la désillusion la plus complète : rêves inaccessibles, idéal s'essoufflant jour après jour... Le petit village texan d'Anarene, au Texas, demeure l'endroit où règne les fantômes des cow-boys de l'époque glorieuse d'Hollywood, des John Wayne et John Ford.

La capacité de P. Bogdanovitch d'expliciter les problématiques de son temps en les transposant à un passé proche est assez exceptionnelle. Cela se remarque en particulier par un aspect très "cinéma classique" (décors simples et utilisation du noir et blanc) et une représentation sans filtre de la sexualité de la jeunesse : cette liberté, ce choix artistique et scénaristique sont bien la marque d'une période où souffle une réelle volonté d'émancipation du corps et de l'esprit face aux diktats d'une société et d'un gouvernement à la rigidité quasi anachronique. Un véritable érotisme se déploie tout le long du film, mais les images montrent bien la maladresse des personnages et la souffrance générée par le contact des corps répondant à des pulsions qui ne sont jamais refrénées. Si c'est bien l'oisiveté des personnages qui amène à s'adonner aux plaisirs amoureux, ces derniers ne sont qu'une manière de se passer le temps en l'absence de tout autre moyen de se divertir. Aussi important que puisse être leur liberté, ces jeunes adultes font toutefois face à une cruelle désillusion qui pourrait bien être la même que celle de la génération hippie de la fin des années 1960. Portés par un souffle nouveau, ces hommes et ses femmes affranchis de tout conditionnement ne seraient-ils pas aux prises avec un idéal impossible à atteindre, dont la saveur est bien plus amère qu'épanouissante ? Voilà le propre de la réflexion du réalisateur, mettant en scène quelques acteurs faisant de brillants débuts sur le grand écran : Cybill Shepherd, Jeff Bridges. Ils incarnent avec justesse les personnages travaillés par le réalisateur qui signe ici sa plus belle oeuvre.

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