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Meurtre d'un bookmaker chinois, John Cassavetes (1976)

Photo du rédacteur: ValentinValentin



Après le succès d'Une femme sous influence, John Cassavetes, grand parmi les géants, s'illustre dans le cinéma de genre, un signant un excellent film néo-noir à l'ambiance sombre et moite et où le personnage principal incarne habilement l'alter-ego du réalisateur. Meurtre d'un bookmaker chinois demeure le film le plus accessible de sa filmographie dont les grandes qualités ont inspiré plusieurs générations de cinéastes et où le propos ne saurait être plus clair eu égard à la carrière de Cassavetes [attention, spoilers].


Résumé



Cosmo Vitelli, gérant d'un club de strip-tease à Los Angeles, est l'un des hommes les plus heureux du monde. Son club est sa création, et bien que celui-ci soit très modeste, Cosmo le gère avec habileté. Il est entouré de ses danseuses et de "Mr Fascination" avec qui il entretient d'excellentes relations, bienveillant à l'égard de ces filles qui font de leur corps un spectacle. Directeur, mais aussi à l'origine des revues, de la programmation musicale et de la présentation au public, Cosmo tient à son club plus qu'à tout autre chose.

Pourtant, à la suite d'une rencontre avec une bande de gangsters, sa vie si paisible bascule dans l'obscurité. Une partie de poker s'éternise et Cosmo voit sa dette de jeu croître...pour atteindre 23 000 dollars. Mais ce dernier n'a pas de quoi rembourser. Pire encore, ses créditeurs pourraient faire tomber ce qu'il a de plus cher. Alors Cosmo accepte de commettre une atrocité, tuer pour le compte de ces gangsters un bookmaker chinois... mettant sa propre vie en jeu, mais dans l'unique objectif que de réduire sa tête de quelques milliers de dollars.


Analyse


John Cassavetes nous a toujours habitué à proposer un style très personnel ainsi qu'une caméra mettant en valeurs les acteurs. Dans Meurtre d'un bookmaker chinois, ces grandes qualités propres au cinéaste sont réunies à nouveau pour parvenir à un film noir particulièrement soigné. Ayant toutefois subit un remontage, le résultat final désormais visible fait intimement penser au travail mené ensuite par Martin Scorsese.

Le film de Cassavetes montre très clairement et sans hyperbole ce que représente le monde des gangsters et des casinos, impitoyable. L'argent rythme, telle une montre à l'horlogerie infaillible, le quotidien de ces individus et avilit leurs esprits jusqu'à l'extrême.

Ainsi, Cassavetes choisit de faire de Vitelli son alter-ego pour montrer à quel point l'argent domine le monde du cinéma et bâillonne le créateur dont sa réussite se trouve dépendante en grande partie de ses créditeurs. Le combat de Cosmo Vitelli pour maintenir son modeste cabaret demeure celui du cinéaste qui lutte pour sa liberté artistique. En dehors de son club, Cosmo n'est plus rien. Lorsqu'il n'est pas derrière la caméra, John n'est plus rien non plus, et peut tout perdre en un fragment de seconde... Le film se concentre donc essentiellement sur la figure de Cosmo. S'il apparaît dès les premières minutes comme un dandy prétentieux menant une vie de riche ( "Je suis incroyable" "Je tiens le monde par les couilles" dit-il dès les premières minutes) il n'est en réalité qu'un homme passionné par sa vie d'artiste et qui chérit ses danseuses, sans qui il ne serait rien.


Mise en scène et interprétation


La mise en scène de Meurtre d'un bookmaker chinois est d'une grande classe. Plusieurs scènes dans la première moitié du film retiennent notamment mon attention, à savoir le rendez-vous de Cosmo chez ses créditeurs, où les effets de caméra permettent considérablement d'accroître la tension. Cela s'effectue grâce à un procédé déjà visible dans Douze hommes en colère où Sidney Lumet cherchait à réduire visiblement la taille de la pièce pour accroître le sentiment d'oppression du spectateur. Puis, je retiens aussi la scène de l'audition de la serveuse, qui est sublime : photographie, cadrages, rythme et éclairage : Ce moment est particulièrement réussi et à l'image du film tout entier, qui dispose d'une photographie exceptionnelle, aux prédominances de rouge et de bleu. D'une manière globale, l'ensemble est particulièrement maîtrisé lorsqu'il s'agit de filmer de nuit : néons, phares et réverbères génèrent une faible lumière venant pourtant croiser miroirs, rétroviseurs et vitres. Cela fait penser à Scorsese et Taxi Driver ici encore. John Cassavettes fait parler le corps de ses personnages, qu'il s'agisse des strip-girls aux langoureuses poitrines dénudées et aux jambes effilées, filmées avec justesse et délicatesse, mais aussi lorsqu'il s'agit de filmer de dos, de profil ou un simple regard (celui de Cosmo en particulier).

Du côté de l'interprétation, Ben Gazzara illumine l'oeuvre par un travail d'acteur formidable. Il est très convaincant, empli d'humanité et ô combien prêt à tout pour combattre ces forces qui viendraient mettre un terme à sa création. Son regard en dit souvent long et il demeure un parfait alter-ego pour Cassavetes dans ce film indispensable pour tout cinéphile accompli.


En conclusion :


De part son scénario très personnel, de son style et de l'interprétation de Ben Gazzara, Meurtre d'un bookmaker chinois est un véritable coup de cœur. Rupture fondamentale dans l'oeuvre de John Cassavetes, le film vient attester du grand talent de ce metteur en scène influent. On appréciera l'ambiance sombre et intimidante, ainsi que la volonté de faire fusionner le spectateur et le personnage principal sur lequel repose le film.

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