Grande lacune parmi les colonnes de Passion Cinéma, le plus grand succès mondial de 2019 fraye son chemin parmi les reviews, pour trôner parmi les meilleurs films de la décennie. Pourquoi ? Parce que Parasite est un film drôle, intelligent et particulièrement accrocheur, malsain et radicalement social.
Le résumé :
Toute la famille de Ki-taek est au chômage, et s’intéresse fortement au train de vie de la richissime famille Park. Un jour, leur fils réussit à se faire recommander pour donner des cours particuliers d’anglais chez les Park. C’est le début d’un engrenage incontrôlable, dont personne ne sortira véritablement indemne... (AlloCiné)
Mon point de vue :
Difficile de faire une analyse sur un film aussi complexe. Si à première vue, Parasite se laisse aisément regarder comme une oeuvre facile d’accès, il y a en réalité lectures possibles qui composent la pellicule de ce film : le message social, le travail esthétique et la mise en scène globale, qui nécessitent de s’y attarder tout particulièrement.
Tout d’abord, osons affirmer que Parasite, et c’est quelque chose qui va dans le sens des propos du réalisateur lui même, est un film doté d’un profond message social et même politique. Jamais celui-ci n’aurait vu le jour sans l’existence d’un capitalisme creusant avec force l’écart entre les classes sociales. Si celui-ci existe depuis de nombreuses années dans les puissances occidentales, l’ouverture sur le monde de la Corée, devenue main d’œuvre de première classe, a renforcé le fossé entre les différentes classes sociales en accentuant la pauvreté des « lower classes » et en augmentant la richesse et la domination des « upper classes ». Les effets pervers et les penchants sociologiques de la mondialisation (le chef de famille a déjà conquis l’Amérique et Central Park, le rêve américain) et de l’ultra capitalisme (une demeure grandiose d’architecte et adaptée aux normes de la domotique, des dépenses par milliers sans jamais compter, l’utilisation même de services à la personne) sont les principaux arcs-boutants du film. En cela, il constitue finalement un réel signal d’alerte pour une société où il devient de plus en plus difficile pour les « gens d’en bas » de gravir les escaliers symboliques de la société dans la mesure où le plafond de verre ne cesse de s’abaisser. L’exemple de cette famille au chômage, exploitant la faille de la cupidité des riches, résonne avec force parmi les problématiques actuelles, y compris dans nos sociétés européennes. C’est fort réussi sur ce point là. Enfin, on peut y voir un propos alarmiste sur la dangerosité des nouvelles technologies, mais je ne reviendrai pas là dessus.
Esthétiquement, Parasite est un impressionnant tour de force de son réalisateur. Il y aurait tant à dire sur le soin apporté aux images. D’abord, les cadrages sont particulièrement fascinants et minutieux. L’image parle autant que les dialogues et c’est là le signe d’un travail de fond très professionnel. On reconnaît généralement ces qualités aux plus grands (Kubrick était l’un d’eux) mais l’art du cadrage dans Parasite est frappant ! La thématique de la « ligne à ne pas franchir » est visuellement bien exploitée. Des lignes imaginaires en arrière plan sont tracées et se poursuivent dans le placement des protagonistes et donnent de précieux indices sur les agissements de chacun d’eux. Les pièces de la maison sont parfaitement agencées et servent au propos avec intérêt à tel point que celle-ci apparaît littéralement comme un personnage. Enfin, nous pourrions aussi louer le beau travail de photographie, souvent somptueux, parfois exemplaire ici encore. Parasite est l’une des plus belles photographies de ces dernières années, sans fioritures de couleurs et de lumières, mais par l’utilisation de méthodes de travail authentiques.
Dernier point qu’il faudrait aborder pour parfaire cette très courte analyse, demeure la mise en scène globale mais aussi le scénario. Ce dernier, écrit de la main du réalisateur comme un Tarantino coréen (on fera le rapprochement dans la scène d’anniversaire Tarantinesque, moment cathartique superbe), est très fin et rondement mené. Il n’y a pas d’impasses, d’étourderies, il n’y a pas d’escroquerie. Bong Joon Ho donne à voir un beau travail scénaristique qui ne perd pas le spectateur malgré une certaine complexité. Tout le monde ne sera certainement pas accroché par son propos mais, chacun y trouvera son compte. Ce scénario est aussi approprié avec force par une famille, des acteurs impeccables, en particulier Song Kang-Ho. Le parasite n'est pas celui que vous pensez...
Parasite mérite t’il donc toutes les récompenses qui lui ont été attribuées ? Sous une pluie de trophées tous plus brillants les uns que les autres, jusqu’à son dernier César, Parasite a fait et fait encore la gloire du cinéma sud coréen qui compte une petite poignée de talents reconnus internationalement. Parasite, film aussi drôle que tragique mais surtout profondément pessimiste, est un grand moment de cinéma qui s’apprécie grâce à ses lectures possibles. Aussi attentif qu’un chat guettant une souris, le spectateur saura trouver dans chaque recoin de l’image à chaque instant le petit détail qui comblera son bonheur cinéphile. Si le succès de ce film me paraît un peu exagéré, il n’empêche qu’il mérite bien des louanges et ses prix sont fortement mérités. Nous aurions bien vu un énième réalisateur américain derrière la caméra dirigeant à coups de dollars une poignée d’acteurs à la plastique impeccable. Au milieu de cet Hollywood uniforme, Bong Joon Ho a posé ses valises pour s’affirmer comme un cinéaste de renom.
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