En trente ans de carrière, Jim Carrey n’a eu de cesse de nous surprendre. Ses rôles comiques font désormais partie du panthéon du cinéma à l’humour décalé. Mais j’ai souvent retenu Jim Carrey pour sa propension à interpréter des rôles très sérieux, même dramatiques. D’abord dans The Truman Show, puis dans Eternal sunshine of the spotless mind, de Michel Gondry, un film qui m’a profondément bouleversé. Ici, je m’attarderai sur le premier film, réalisé par Peter Weir, avec également Ed Harris.
Synopsis
Truman Burbank mène une vie paisible dans sa ville au bord de la mer. Il a tout pour lui, une femme, un emploi et amis. Mais Truman est bien loin de se douter que sa vie fait l’objet d’une émission télévisée diffusée dans le monde entier, depuis sa naissance. Le « Truman show », nouveau type d’émission, fait fureur auprès de téléspectateurs avides de connaître tout de la vie de cet homme. Questionnant la réalité dans laquelle il vit et s’épanouit depuis ses plus jeunes années, Truman se lance dans une quête pour découvrir la face cachée de cette machination dont il n’en a pas la moindre idée. De son côté, Christof, le créateur et réalisateur, orchestre la vie de Truman pour l’empêcher de découvrir la vérité et maintenir les audiences.
Analyse
Voilà un film d’apparence trompeuse car nous pourrions nous attendre d’emblée à un film comique, sans réel fond ni sens profond. C’est bien tout l’inverse qui se passe sous nos yeux : The Truman Show est remarquable d’originalité et possède un sens philosophique profond, métaphysique même. C’est cela qui a retenu mon attention, et qui explique sans aucun doute mon intérêt pour ce film. Je ne reviendrai pas sur l’interprétation de Jim Carrey qui est très séduisant, ni même sur la mise en scène qui est sans doute très simple, mais plus sur le fond du propos.
The Truman Show est un film mettant en avant des interrogations cartésiennes sur le monde qui nous entoure. Il s’agit là de questionner la réalité : jusqu’à quel point la vie que nous vivons est réelle ? Voilà une question très intéressante et même déroutante. Christof est le créateur d’une illusion. Sous l’angle des Meditations Métaphysiques de Descartes, il représente le malin génie : quelque chose de trompeur, dont l’emprise sur Truman est t’elle qui est à l’origine de sa propre vérité. Truman n’a jamais questionné sa vérité car la vie qu’il mène est pour lui la seule qui puisse exister. Enfermé dans cette caverne, sa réalité est nourrie d’illusions et ce n’est qu’en ayant un oeil subjectif qu’il ne peut être amené à remettre en cause sa vie dont il prend conscience qu’elle ne repose que sur une manipulation filée sur le long terme (une vie complète).
The Truman Show relate aussi l’émancipation du récit personnel face au récit collectif : la société et l’élite seraient à même de façonner l’illusion d’une réalité où chacun croit posséder sa liberté. C’est ce que Truman croît aussi pendant des décennies, persuadé d’être libre et d’évoluer dans un monde réel. Mais, brisant la glace, Truman en vient à se construire son propre récit, sa propre identité, il se fraie son propre chemin contre les attentes de Christof et ses équipes. 5000 caméras mais, « vous n’avez pas de caméra dans ma tête » dit-il.
The Truman Show est incontestablement conçu comme une adaptation du mythe de la Caverne où Truman Burbank cherche la réalité à l’extérieur de celle-ci. Comme une allusion aux Grandes Découvertes et à la soif de connaissance qui anima l’Europe Moderne, Truman prend la mer à bord du Santa Maria, comme Christophe Colomb.
Transposé à notre quotidien, ce film, moralement fort, trouve un écho tout particulier. Nos vies ressemblent un peu à celles de Truman, chacun devant se frayer un chemin dans la masse. Mensonges, trahisons, mises en scène et montages sont omniprésents. De ces constructions, il nous incombe d’en dénicher la vérité, la seule qui nous guide à sortir de la Caverne. Sans en trouver l’issue, être nous-mêmes semble impossible.
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