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Shining : Stanley Kubrick en psychanalyste

Photo du rédacteur: ValentinValentin

Dernière mise à jour : 10 avr. 2020


Affiche de la version 4k présentée à Cannes Classics

Alors que l'an dernier, Dr Sleep s'annonçait comme une suite prometteuse de Shining contenant de nombreuses références au film original, je vous propose de revenir sur une oeuvre qui marque encore les esprits par sa singularité et son atmosphère insoutenable, dans un dossier complet sur le film.

"On ne peut pas décortiquer le paranormal et l'analyser à la loupe. Le test ultime, c'est si ça vous fait dresser les cheveux sur la tête ou pas" (S. Kubrick à M. Ciment, 1980)

Un auteur, une oeuvre et son temps : Kubrick et les années 1960 à 1980


Qu'est ce qu'un film d'horreur ? Si le public croyait posséder la réponse lorsque celui-ci pénétra les salles obscures en 1980, il se retrouva (encore) fort déconcerté par celui dont les lettres de noblesses n'étaient plus à faire car acquises depuis plusieurs années déjà. Stanley Kubrick, réalisateur britannique, a déjà foudroyé le public et les critiques à de nombreuses reprises en 1980 : lorsqu'il réalise Lolita, on l'accuse de faire un film aux mœurs décousues. Lorsqu'il propose Dr Folamour, il s’attelle en pleine guerre froide à la question de la détente et de la folie humaine quant à la bombe atomique. En 1968, 2001 l'Odyssée de l'Espace fait de lui un metteur en scène incompris, mais épris de talent.


Orange Mécanique confirme ce dessein qui lui est réservé, alors que celui-ci, loin du monde d'Hollywood, reçoit bien souvent les foudres de ses pairs. Son caractère fait de lui le plus perfectionniste de tous les réalisateurs de l'histoire du cinéma, une obsession qu'il conservera jusqu'à sa mort, y compris lors du tournage de The Shining, de longs mois éprouvants dont les acteurs gardent un douloureux souvenir. Ainsi, Kubrick tourne en totalité près d'un million de mètres de pellicule pour son film selon les studios d'Elstree et détient le record de prises de vues pour une seule scène, celle de l'escalier (127 prises).

Si il est facile d'inscrire Shining dans une série de films d'épouvante comme L'exorciste (1973), Carrie au bal du diable (1976),

Carrie au bal du diable (Brian de Palma) adapté du roman de Stephen King.

Suspiria (1977, voir le review du 21 juin), ou même Alien le huitième passager (1979), tous ces films reposent sur ce qui rassemble leur public : l'horreur, c'est-à-dire la peur, l'attirance de ce que l'on redoute le plus, de ce que l'on ne peut pas maîtriser, tel que le paranormal, le démoniaque, la sorcellerie, les créatures qui sont pas anthropoïdes. Dans Shining, rien de tout cela. Il paraît hasardeux de l'associer à la longue série de réalisations horrifiques ayant conquis un public avide de sensation fortes. Kubrick, loin des codes, inventant son propre langage, décide de livrer quelque chose de nouveau au public mondial. Shining tient plus du thriller psychologique que du récit démoniaque d'âmes à l'agonie, se retournant sur elle-même en criant "Laisse Jésus te baiser !". Shining demeure la mise en images d'un combat entre la lumière et les ténèbres, dont Jack Torrance est épris dès le début du film, et même bien avant.


Premières initiatives et genèse du film


Dès 1977, le réalisateur s'avère être particulièrement intéressé à l'idée de filmer une adaptation du roman de Stephen King. Lors d'une interview, il déclare :

"La plupart des bouquins, j'ai envie de les reposer au bout d'un certain nombre de pages avec l'impression que je perds mon temps. Dans le cas de Shining, je ne pouvais plus le lâcher" (1980)

Particulièrement intéressé par le paranormal, les éléments extra-sensoriels, le non-verbal et épris depuis toujours par une envie de disséquer la psychologie de l'homme, Shining apparaît comme le bon roman à adapter. Publié en 1977, le roman de Stephen King a déjà conquis une foule considérable d'adeptes du genre. Le travail de pré-production commence relativement tôt, plusieurs mois avant la rédaction du scénario. Il se fait aider d'une écrivaine, Diane Johnson, pour mener une profonde réflexion sur les personnages, leur caractère, leurs relations, le tout en lisant quelques romans comme Jane Eyre, mais aussi Sigmund Freud et ses travaux sur la peur, sur l'étrange, sur l'agitation des sens lorsque l'homme fait face à des éléments comme les marionnettes, les objets inanimés. L'idée des fantômes est alors évoquée lors de la première phase de rédaction du scénario, non pas sous la forme de visions hallucinatoires mais plutôt sous la forme de pouvoirs psychiques provoqués par l'état psychologique dégradé des personnages. Ainsi, le pouvoir du "Shining" demeure central, dans la mesure où l'enfant Danny possède ce don à l'insu de ses parents, résultante d'une dispute avec son père, ivre, qui lui déboîta l'épaule...

Si nous replaçons l'oeuvre dans la chronologie kubrickienne, il est presque évident qu'elle suit une véritable logique, en proposant à nouveau l'exploration des vices, des tréfonds de la conscience humaine dans un quasi huit-clos métaphorique portant à son paroxysme l'attrait porté à l'homme dans ce qu'il a de plus pessimiste. Depuis plusieurs films déjà, à commencer par 2001 l'Odyssée de l'espace, Kubrick s'est penché sur la question de la dualité de l'homme (exprimée par Carl G. Jung, psychiatre/psychologue). Il s'agit d'un thème particulièrement récurrent chez Kubrick, au-delà de Shining d'ailleurs, puisque le paroxysme est

Jack Torrance trouve son échappatoire en l'alcool...

probablement atteint avec Dr. Folamour. C'est précisément la dualité créativité contre destructivité que souhaite évoquer Kubrick en 1980, à travers le personnage de Jack Torrance : cet écrivain peu prolifique se retrouve confronté au syndrome "de la page blanche" et, seul face à lui-même, il se retrouve épris d'une solitude auto-destructrice mais aussi à l'encontre de sa famille ou des personnes qu'il côtoie, dans la mesure où il se laisse happer par le sordide et ténébreux passé de l'Overlook Hotel.


Un casting précis et un tournage éprouvant de rigueur


Pour illustrer cette réflexion, Kubrick choisit de livrer une interprétation libre du roman de Stephen King, en s'armant d'une palette d'acteurs soigneusement choisis. Dès le départ, le réalisateur considère Jack Nicholson comme le favori pour le rôle de Jack Torrance. Un choix que nous pourrions considérer comme on ne peut plus logique, envers celui qui tenait en 1976 le rôle principal dans Vol au dessus d'un nid de coucou de Milos Forman. Son interprétation, parfaite, se tenant face à la psychorigide infirmière Ratched, le hissa au rang des plus grands et des plus prometteurs de sa génération après des débuts difficiles (il faut attendre Chinatown de Roman Polanski pour qu'il accède à une notoriété), comme Robert de Niro ou Al Pacino, dans des rôles néanmoins bien différents. C'est la multitude d'émotions, ce visage capable d'exprimer des extrêmes en l'espace d'un fragment de seconde qui séduisit Kubrick :

"Il est un des meilleurs acteurs, digne des plus grands stars d'autrefois" (S. Kubrick à M. Ciment, 1980)

Le rôle de Wendy Torrance incombe quant à lui, à Shelley Duvall, qui obtint en 1977 le prix d'interprétation féminine à Cannes. Un choix judicieux, car, pour bien des raisons, Wendy Torrance représente l'archétype-même de la double victimisation : S. Duvall possède une grande crédibilité en rôle d'épouse faible, victime de son mari, la rendant elle aussi victime de l'Overlook Hotel. Pourtant, ce constat semble s'inverser à la fin de Shining où l'innocence l'emporte sur la violence. Réussissant à échapper à son destin, elle démontre que la peur provoque un dépassement de soi pour se sauver soi-même et sauver quelqu'un qui est cher.

"All work and no play makes Jack a dull boy" : les premières traces de la folie et de la distanciation.

Wendy parvient à sauver son Danny, incarné par Danny Lloyd, 7 ans, qui n'est alors pas un acteur professionnel, sur demande de Stanley Kubrick en personne qui consulta les 5000 vidéos d'auditions effectuées aux Etats-Unis. On notera que le jeune garçon n'apprit que tardivement que le film dans lequel il joua était bien un film d'épouvante, contrairement aux mensonges que lui racontèrent Kubrick et ses collaborateurs, afin d'éviter d'altérer son jeu durant le tournage...

Le tournage, qui débute en mai 1978, dure un an et deux mois au nord de Londres, pour un budget de plus de treize millions de dollars. Une part importante est consacrée à la création de l'hôtel, véritable personnage à part entière, dont la conception est basée sur plusieurs bâtiments réellement existants, qui ont été photographiés rigoureusement par une équipe envoyée spécialement aux Etats-Unis. Les très nombreux clichés sont alors minutieusement sélectionnés par Kubrick qui opte pour un bâtiment structuré en de nombreuses pièces, reliées par un ensemble de couloirs particulièrement longs et décorés par le biais de motifs répétitifs, aux teintes de rouge, de blanc, de marron.

Inquiétant cet Overlook Hotel.

La volonté de Kubrick est de créer un hôtel qui ait l'air authentique et qui, par un dédale de couloirs et un aspect très singulier, génère un sentiment d'angoisse chez le spectateur.

L'atmosphère générale qui se dégage est étonnante : les décors sont sur-éclairés, par une lumière vive et des couleurs fortes (le rouge en particulier). Il est difficile de dire quelle a été l'inspiration de Kubrick pour illuminer certaines scènes, au point d'aboutir quelques fois à une réelle saturation de couleurs parmi les décors.

Le tournage reste particulièrement secret, et aucun des acteurs n'accorde d'interview à qui que ce soit pendant ce temps. Kubrick, particulièrement adepte des évolutions technologiques en matière de cinéma, choisit d'utiliser de manière intensive et ce, pour la première fois, la steadycam, une caméra inventée quelques années plus tôt permettant au caméraman d'être relié à l'appareil par un système de bras stabilisateurs. Le recours à cette technologie encore très peu utilisée renforce dès lors les sensations d'épouvante, à l'image de la scène dans le labyrinthe demeurant celle où la steadycam est utilisée sans relâche, à pleine vitesse, tout en stabilisant de manière assez frappante les prises de vues. Les travellings longs et précis sont également permis grâce à cette technologie qui est associée à un système de replay vidéo instantané qui constitue, lui aussi, une innovation majeure en matière de cinéma. Cela n'empêche au tournage de s'éterniser considérablement, en raison des très nombreuses prises à répétition.

Stanley Kubrick donne ses instructions à Jack Nicholson pour la scène du bar.

Une anecdote veut même que Jack Nicholson ait été nourri exclusivement de hamburgers pendant plusieurs jours afin d'accroître sa rage lors des prises de vue. Shelley Duvall, exténuée, se dispute plusieurs fois avec celui qui la dirige. Mais ce dernier est particulièrement habitué des tournages longs, éprouvants et d'une rigueur implacable. Celui de Shining est considérablement difficile, mais Kubrick parvient à réaliser son ambition de faire un film effrayant, mettant en scène des aspects surnaturels. Il fait aussi appel à plusieurs compositions musicales étonnantes, qui génèrent un paysage musical perturbant. Notons l'utilisation d'un air de danse datant des années 1920, appelé "Midnight, the stars and you" dont voici la partition :


Après plusieurs semaines de post-production, comprenant le montage du film supervisé en personne par Stanley Kubrick. Pourtant, après plusieurs représentations tests, un certain nombre de scènes sont coupées au montage, représentant près de 30 minutes de film. Cela n'empêche pas à celui-ci de conserver une qualité certaine. Il faut noter que la fin, telle qu'elle est présentée dans les salles françaises, n'est pas celle qui fut prévue au départ : la vision de la photo présentant le visage de Jack Torrance comme maître d'hotel plusieurs décennies plus tôt fut rajoutée en remplacement d'une scène présentant Wendy et Danny à l'hôpital.


Quelle réception et quelle interprétation donner ?


Comme 2001 l'Odyssée de l'espace, la réception est particulièrement mitigée. Peut-être est-ce le destin de bien des films, considérés à posteriori comme de véritables chefs d'oeuvre. Shining, maintenant considéré comme une pièce d'art de film de genre, est plutôt mal reçu par un nombre considérable de critiques outre-manche, considérant le film comme l'un des moins réussis de la part du britannique. Stephen King, premier intéressé, est l'un de ceux qui dépeint le film comme un mauvais travail, considérant l'adaptation comme ratée, particulièrement infidèle envers son livre dans la mesure où Kubrick s'est volontairement détaché de certains aspects pour garder la trame principale et développer certains éléments absents du livre comme les relations entre les personnages. Malgré cela, le film obtient un réel succès en salle, tant aux Etats-Unis qu'en Angleterre ou en France et compte parmi les plus importants succès du réalisateur de Full Metal Jacket.


Premières minutes et premiers jeux de regards : Danny semble déjà avertir son père d'un avenir sanglant.

La complexité interprétative de l'oeuvre de Kubrick est considérable et particulièrement intéressante. Kubrick est-il psy ? À défaut d’être reconnu tel quel et de demander à ses patients de s’allonger dans le sofa, le britannique s’immisce dans le subconscient de chacun des spectateurs assis dans leur fauteuil. Celui qui avait déjà fait ses preuves dans d’autres registres applique une nouvelle fois son raisonnement pour faire de l’histoire de cette famille très loin des clichés de la nuclear family américaine qui se retrouve happée par cette entité de briques et de bois qu’est l’hôtel.

Les thèmes sont intéressants et soignés : la solitude, d’abord, clé de voûte du film. La présence de l’absence fait basculer Torrance, écrivain à la sordide machine à écrire, dans la folie, la violence, la démence.

Cette histoire, c’est aussi celle d’un Hôtel presque vivant qui agît sur chacun des personnages ainsi que sur le spectateur. Le dédales de couloirs, l’atmosphère lugubre et intriguante, suscitant horreur sans jamais l’expliciter... Cette entité fantomatique quasi paranormale exerce une pression sur la famille Torrance et leurs cerveaux, au point de n’être que des pantins parfois victimes d’eux mêmes (Scène finale) ou simplement impuissants.

Kubrick revisite avec intérêt les canons de l’horreur : Shining est un film violent, insoutenable même, selon les sensibilités, mais sans jamais que l’horreur ne soit explicitée. Y a t’il un visage de l’horreur ? Les deux fillettes sont synonymes d’effroi et pourtant suggéreraient plutôt l’innocence. Mais une chose est sûre, Kubrick montre que la folie a bel et bien un regard : celui d’un Jack Nicholson transfiguré qui restera gravé dans l’imaginaire collectif : "Here's Johnny !" Mais qui est vraiment ce Jack Torrance ? Ce sentiment de déjà-vu n’est-il pas justifié étant donné qu’il semble avoir « toujours été le maître de l’hotel » ? Cette chambre 237 n’est-elle pas l’expression de l’inconscient ? Une porte, un palier à ne jamais franchir sous peine de point de non-retour ?

La particularité du film réside avant tout dans sa complexité interprétative. Si le scénario est présenté de manière linéaire, chapitré, formel, les décors impliquent de brusques évolutions, influant sur le récit, les personnages aux dépens-même du réalisateur. C'est comme si rien n'était sous contrôle (quel paradoxe !). L'originalité de l'Overlook Hotel tient en son architecture d'une complexité provoquant nécessairement l'effroi, l'oppression. Si rien n'est dit, tout est suggéré : à nouveau, Kubrick fait appel au non-verbal pour signifier que franchir les portes de cet hôtel consiste en franchir les portes du soi intérieur, afin de parvenir à une prospection du subconscient. Il s'agit d'en ressortir...

Dans l'Overlook Hotel, nous y voyons avant tout une puissante métaphore du cerveau humain. En son sein, la conscience, influencée de fait par nos actes, souvent les plus mauvais : meurtres, violences conjugales, alcoolisme. C'est comme si la pensée devenait personnage principal, dont l'Overlook Hotel n'est que l'incarnation matérielle. Les couloirs sembleraient dessiner les connexions complexes, infiniment complexes grâce aux motifs de la moquette, du cerveau. Les chambres pourraient tout à fait constituer ces "tiroirs" de la pensée renfermant souvenirs, pulsions et désirs, la partie cachée de l'iceberg freudien lui aussi signifié grâce au grand labyrinthe. Shining questionne le rapport de l'homme à ses souvenirs, la réalité en faisant appel à ce qui n'est pas palpable, c'est à dire le paranormal. Jack Torrance doute de son identité-même, de la temporalité à laquelle il est rattaché.


Sanglante est l'histoire des Etats-Unis. Mais ces ascenseurs ne mèneraient-ils pas dans le passé de cette nation ?

Une interprétation plus "historique" du film et moins psychanalytique existe, et semble tout à fait pertinente dans la mesure où ce même motif interprétationnel est exprimé dans le dernier film du cinéaste Eyes Wide Shut, film ayant provoqué un véritablement tremblement de terre dans la communauté des cinéphiles. Ainsi, l'Overlook Hotel symboliserait l'Amérique, bâtie sur la souffrance d'un peuple déchiré par la conquête de l'Ouest (bâti sur un cimetière indien), et les motifs font largement appel à une esthétique rappelant les amérindiens d'Amérique. Dans un angle plus large, Shining ne serait autre qu'une évocation globale des rapports entre l'homme et son passé, son histoire. Le film évoquerait précisément l'holocauste dont les plans ont été établis dès 1942 (Solution finale à la question juive). Cette théorie est notamment avancée dans le très impressionnant documentaire Room 237 sorti en 2012, évoquant la récurrence du nombre 42 dans les différents plans et notamment 237 ; (2x3x7=42). Le don du shining permettrait d'entrevoir le passé historique et de prendre conscience de ses implications futures... Là où les couloirs ne seraient que les méandres du temps. Refuser d'accepter son passé (Jack se réfugie dans l'alcool) n'aurait pour conséquence que la violence et l'effusion de sang, à nouveau.

La chambre 237, apothéose de la complexité artistique du film, pourrait signifier l'interdit : seuls les fantasmes de Jack Torrance ornent la pièce, aux couleurs très étonnantes, alors que celui-ci entretient une relation conflictuelle avec sa famille, et notamment sa femme.


Shining : simple film d'horreur ou oeuvre d'art ?



à défaut d'écrire un livre, Jack défonce des portes.

Après avoir exposé tous ces éléments, nous pouvons effectivement nous demander quelle peut être la réelle influence du film envers ses pairs. Kubrick, bien connu pour son caractère déterminé et minutieux, a été longtemps accusé d'avoir fait un film plus commercial que ses précédents en surfant sur la "vague" des films d'horreur des années 1980. Personnellement, je considère que l'oeuvre de Kubrick est parfaitement homogène et Shining apporte à priori une pierre à l'édifice. Si à première vue, le film paraît facile à interpréter et à la portée de tous, contrairement à 2001 l'odyssée de l'espace ou encore Eyes Wide Shut, il ne s'agit de d'un voile occultant : Shining est difficile à interpréter, ce qui n'enlève en rien à sa grande qualité générale. Riche d'une possibilité d'y apporter plusieurs couches de lectures, l'oeuvre trône parmi les meilleurs films du XXe siècle en raison d'une grande finesse des détails rendant impossible l'idée d'une interprétation linéaire et unilatérale. Les décors distillent de nombreux éléments (parfois très fins et difficilement visibles) qui alimentent constamment les théories parfois les plus folles : complotisme, CIA, voyage sur la lune... Dans la mesure où Stanley Kubrick ne laissait jamais rien au hasard, force est de se demander pourquoi certains éléments trônent, là, délicatement posés sur un meuble, astucieusement accrochés à un mur... Cette finesse s'exprime enfin par une qualité facilement observable des plans d'une grande précision. Kubrick était un amateur de diagonales, de parallélisme, de jeux d'ombres et de miroirs donnant à voir au spectateur à l'agonie un cinéma tourné à l'équerre, quelque chose qui était déjà amplement observable dans quelques-un des précédents films du réalisateur comme Barry Lyndon, chef-d'oeuvre de composition d'image et prouesse d'éclairage (lumière naturelle et utilisation de la bougie pour éclairer les scènes d'intérieur !).

"Regarder un film de Kubrick, c'est comme regarder le sommet d'une montagne depuis la vallée. On se demande comment quelqu'un a pu monter aussi haut" (Martin Scorsese à Michel Ciment, 2004)

Plusieurs décennies après le décès de Stanley Kubrick, Shining continue d'attiser la curiosité, à en croire les récents événements, dont la très ingénieuse scène de Ready Player One de Steven Spielberg, qui a permis une reconstitution exceptionnelle de l'Overlook Hotel, le tout dans un résultant bluffant à découvrir ici :



Sources :


CASTLE Alison (éd.), Les archives Stanley Kubrick, Paris, Taschen, 2017, pp. 626-683.

Cinémathèque française : Ciné-Ressources : Fiche biographique de Stanley Kubrick, http://cinema.encyclopedie.personnalites.bifi.fr/index.php?pk=9626

CIMENT Michel, Stanley Kubrick, Paris, Calmann-Lévy, 2011.

KUBRICK Vivian, "Making "The Shining", 1980, bonus DVD 2007.

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