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L'armée des ombres, Jean-Pierre Melville (1969)

Photo du rédacteur: ValentinValentin

En 1969, Jean-Pierre Melville, cinéaste de grand talent, livrait sa vision de l'Occupation et de la Résistance à travers un film mélangeant ses propres souvenirs à ceux de Joseph Kessel, terminant sa trilogie commencée par Le silence de la mer, sorti en 1949.


L'histoire


Philippe Gerbier, accusé de "pensées gaullistes", est arrêté puis enfermé par la Gestapo. D'abord soupçonné de posséder un réseau de connaissances élaborées, il s'avère être l'un des chefs actifs de la Résistance. Aux côtés de plusieurs de ses bras-droits les plus actifs, Gerbier devient l'un des hommes les plus recherchés de tout le pays. Un destin inévitable, des trajectoires croisées qui, dans le contexte de la Guerre, sont tous faits de moments aussi troublants que délicats, où le mince fil de la vie menace d'être coupé à tout instant par les autorités sous l'emprise d'Hitler et de Pétain.


Analyse


L'armée des ombres est sans aucun doute l'un des plus grands films de l'histoire du cinéma français, et l'un des meilleurs jamais réalisés sur l'Occupation et la résistance. Adaptation du livre de Joseph Kessel du même nom et publié en 1944, L'armée des ombres fait appel à de nombreux souvenirs de la part du réalisateur engagé dans la France Libre à Londres en 1942 aux côtés du Général de Gaulle. Ces éléments apportent une réelle impression de vécu, faisant de ce film un hommage brillant à tous ces hommes et ces femmes s'étant livré à un combat de fond contre l'ennemi, au péril de leurs vies. Ces tragiques destinées se retrouvent incarnées à la perfection par une distribution hors-pair.

Dès la scène d'ouverture, le spectateur conçoit qu'il sera, comme ces français durant la guerre, happé par ce film dont rien ni personne ne pourra arrêter la progression. Cette place de l'étoile, vide, où seuls résonnent les coups de pieds au sol des soldats allemands avançant vers le spectateur qui ne peut s'échapper, est tout à fait symbolique. A partir de ce moment, où le ton est donné, se déroule une pellicule brumeuse, sombre et incertaine, où tout repose sur un mince fil et où tout semble incertain. Cette permanente inconstance fait de ce film un véritable chef d'oeuvre sur le plan narratif. L'omniprésence de l'armée allemande est l'un des thèmes principaux du film. Second thème intéressant celui des souvenirs : La construction du film est faite de telle sorte que celui-ci se retrouve scindé en plusieurs passages s'apparentant à des bribes de souvenirs qui hanteraient la mémoire des protagonistes. Ces passages ne sont effectivement pas reliés. Un plan au début du film sur le livre de Luc Jardie "transfini et continu" nous fait nous poser une question sur l'origine des scènes que le spectateur vit : La dernière partie du film ne serait-elle pas issue des rêveries de Philippe Gerbier peut avant sa mort ? Particulièrement déroutant, ce passage est toutefois assez représentatif de l'oeuvre qui est planante, peu loquace, étonnante.



Les images tournées par Melville sont étonnantes dans le sens où le spectateur a l'impression d'être emporté dans un tourbillon sans issue et fataliste, sorte de rêverie nébuleuse et où les visages s'endurcissent un peu plus à chaque plan supplémentaire. Les choix artistiques de Melville font de l'armée des ombres un film ténébreux, profondément noir. Jamais le titre d'un film n'aura été si équivoque : c'est bien dans ces ombres et ces silences que se démystifie la Résistance, armée secrète, pour l'une des premières fois au cinéma. Dans ces intenses silences s'exprime toute l'horreur durant ces années noires où rien n'était plus pareil.


Pour dresser un rapide tableau de ce film magistral, il ne faudrait certainement pas oublier l'impressionnant travail des comédiens qui, dans un casting de prestige, expriment toutes leurs capacités. Des silences les plus longs aux regards les plus durs, Lino Ventura trouve en Philippe Gerbier l'un de ses meilleurs rôles, où la rage qu'il contient en lui le transfigure. Il est accompagné par Simone Signoret, en résistante douée et intelligente qui donne à voir elle aussi son grand talent d'actrice, fière d'une superbe carrière entamée en 1946. Paul Meurisse, Jean-Pierre Cassel, autant de noms qui marqueront le grand écran et viennent à merveille compléter une tête d'affiche déjà grandiose.


Film crucial, capital et symbolique de ce "devoir de mémoire" en cours depuis le début des années 1950, L'armée des ombres est sans aucun doute l'un des films les plus instructifs qui soient et l'un des plus marquants. Le spectateur saura trouver en ces destins incarnés par des acteurs de grand talent le récit de vies où de nombreux hommes et femmes ont combattu au service du pays, non pas par idéologie, mais parce qu'il le fallait, parce qu'ils s'en sentaient la mission. Un très grand moment de cinéma, nécessaire.

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