Le nouveau cinéma est-il fait pour durer ? L’entreprise américaine Netflix, fondée en 1997 et détenant désormais le monopole de la vidéo à la demande chercherait à nous en prouver le contraire. Jamais, depuis la création du cinéma et de l’arrivée d’Internet, autant de contenu n’a été créé pour être finalement fauché et retiré du catalogue du géant.
Pourtant, les séries télévisées existent depuis des décennies et contrairement aux films, elle n’agissent pas de la même manière sur l’imaginaire du spectateur. De par leur durée ainsi que leur format, elles génèrent nécessairement un attachement aux personnages est à leur histoire développés sur le long court. Si de nombreuses séries cultes ont duré des années et ont profondément marqué les spectateurs (Twin Peaks, les Sopranos) c’est parce qu’elles établissaient un véritable contrat entre celui qui conçoit et celui qui regarde. Mais, à cause de Netflix, il semblerait que ce lien soit brisé.
Sans nécessairement annoncer la « mort du cinéma », Netflix et ses frères signifient plutôt la profonde mutation de cette forme d’art. Netflix ambitionne effectivement depuis plusieurs années de révolutionner la manière de voir un film ou une série en renouvelant de manière quasi-permanente son “catalogue” aux allures de catalogue de grand magasin, où les boites de conserves seraient remplacées par les miniatures des milliers de titres disponibles. Expression de l'inévitable avenir du cinéma, le streaming demeure pourtant la forme la plus éclairée des manières de « voir » l’image en mouvement dans la mesure où il propose légalement d´accéder à la création artistique facilement, à prix réduit chez soi, en faisant du cinéma un voyage absolument immobile. Pourtant, le cinéma n'est pas un art immobile. Il faut se déplacer pour se rendre dans les salles obscures. C'est là tout le charme aussi...
Produisant un nombre monumental de séries à un niveau jamais atteint, Netflix fait toutefois ressortir les vicissitudes de la discipline dans ses aspects budgétaires : on ne compte plus le nombre de séries ayant brusquement disparues du catalogue pour des raisons purement économiques. Mais cela ressemble à un perpétuel recommencement : il faut sans cesse renouveler, coûte que coûte, quitte à fédérer un contenu de piètre qualité. Surfant sur l'enthousiasme de l'univers Marvel établissait vers 2012 des contrats avec Disney pour la production de séries mettant en scène les super-héros fictifs...En juin 2019, toutes ces séries, dont certaines en cours de production, sont annulées dans l'indifférence la plus complète !
Cette indifférence est significative de la fièvre qui touche les studios Netflix. Le spectateur ne prend plus le temps de s'attacher aux personnages ou de s'immiscer dans leur univers pour deux raisons plutôt apparentes :
D'abord, conscient de l'aspect fuyant et éphémère de la série, celui-ci ne se laisse plus "happer" par son format. Cela peut globalement se remarquer par le changement de durée des épisodes : les séries à 16 ou 20 épisodes n'existent plus car considérer comme trop longs par les fans. Désormais, on préfère 10 épisodes de 50 minutes ou plus.
Puis, adepte du "binge-watching", pratique maladive, le spectateur n'apprécie plus le contenu tel qu'il le devrait, préférant varier ses plaisirs succincts plutôt que de s'investir plus activement dans une poignée de séries.
Pourtant, le spectateur, quand il s'investit, se retrouve contrarié pour des raisons de portefeuille rétrécissant comme peau de chagrin... L'un des exemples les plus frappants reste SENSE8, produite par les frères Wachowski, ayant rapidement conquis un public fidèle. Mais, Netflix décida inopinément de suspendre la série au bout de deux saisons, et il fallu de nombreuses pétitions pour que la plateforme permette la diffusion d'un épisode final... Car oui, aucun épisode de conclusion n'avait été prévu dans les clauses du contrat.
Mais alors, quel avenir pour les séries et le cinéma ? Certains réalisateurs cherchent à renouveler les codes en proposant de nouveaux contenus globalement différents : mini-séries (Chernobyl) puissantes, épisodes très courts (Love, Death & Robots) ou très longs (Too old to die young). L'univers des séries se cherche plus que jamais, oscillant entre courts métrages et véritables films. Mais tout cela est-il inquiétant pour l'avenir ? Loin s'en faut. Le cinéma évolue avec la société et il continuera inéluctablement à évoluer vers quelque chose de différent. Il n'empêche que Netflix, pour ne citer que ce service, propose d'excellents contenus originaux tels que Dark, This is us, Stranger Things, House of Cards, Black Mirror, Better Call Saul, Altered carbon et bien plus encore.
Alors, à vos avis !
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