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Portrait : David Bowie, l'homme qui venait d'ailleurs

Photo du rédacteur: ValentinValentin

Dernière mise à jour : 9 nov. 2019



Space Oddity fut fortement influencé par 2001 l'Odyssée de l'Espace. Bowie affirma lui-même avoir vu le film sous l'emprise de drogues.

A l'occasion des cinquante ans de son album Space Oddity qui lui permit d'accéder à une renommée mondiale après des débuts mitigé mais aussi des 30 ans de la chute du Mur de Berlin qui consacra sa chanson "Heroes" comme une ode à une liberté retrouvée, l'artiste britannique disparu en 2016 est aujourd'hui l'objet d'un portrait croisé musico-cinéphile. Célébré mondialement pour sa carrière musicale hors-pair, l'homme aux multiples facettes interpréta de nombreux rôles devant la caméra. C'est l'intriguant personnage qui retient notre attention ici, l'occasion de rendre un hommage à celui qui marqua le monde de l'art pendant plus d'un demi-siècle au gré de prestations scénographiques, d'apparitions télévisuelles et de rôles révolutionnaires.


Les amateurs de musique pop/rock ne s'y trompent pas : derrière une apparence souvent efféminée, toujours surprenante, déroutante parfois-même et un registre de paroles très personnel, se cache une personnalité particulièrement complexe, instable. Celle-ci se reflète considérablement dans les rôles qui sont octroyés au musicien David Bowie, dont la carrière au cinéma commence en 1976. Pourtant, le jeune homme n'en est pas à ses débuts lorsqu'il s'agit de styliser ses expressions et chorégraphier ses gestes. Déjà en 1967, alors que ses débuts musicaux restent extrêmement modestes, le chanteur fait la rencontre du mime Lindsay Kemp, avec lequel il entretient une relation pendant plusieurs années. Une rencontre décisive, dans la mesure où Bowie en quête d'identité, trouve en le mime un mentor, celui qui lui apprendra la manière d'exprimer par les gestes les fluctuations de l'esprit, même les plus complexes. La découverte du théâtre lui resservira amplement pour ses prochains albums, lorsque naîtra Ziggy Stardust. Cela lui confère surtout les capacités d'un touche à tout. Si en 1972 Ziggy fait son apparition, côtoyant volontiers Iggy Pop, le personnage est rapidement laissé de côté après avoir marqué l'esprit des adeptes de l'artiste.

En 1976, Ziggy évolue pour devenir le Thin White Duke, à l'allure chic et élancée, les hanches affinées, le teint pâle, le regard perçant. Plus que jamais, Bowie s'affirme comme un artiste différent, intransigeant sur son style, mais surtout révolutionnaire aussi bien du côté de l'apparence que de sa personnalité qui s'affirme avec vigueur. C'est précisément dans ce contexte que Bowie obtient son premier rôle au cinéma dans un film taillé sur mesure : The Man Who Fell to Earth (l'homme qui venait d'ailleurs), n'étant autre que l'histoire d'un extraterrestre s'étant échoué sur terre avec pour mission de récupérer de l'eau pour sa planète. Un film capital pour l'artiste puisqu'il lui servit à façonner son nouveau personnage et il permit de lancer une véritable carrière au cinéma, en donnant la possibilité à ses fans et aux critiques de découvrir le vrai David Jones : un homme venant véritablement d'ailleurs...



C'est précisément à partir de 1976 que David Bowie, simultanément à ses albums (Station to Station, Low, Heroes et Lodger) s'investit au cinéma, en obtenant à l'orée des années 1980 un rôle aux côtés de l'immense actrice Marlene Dietrich, véritable icône germano-américaine. Sa période berlinoise est particulièrement prolifique sur le plan musical, et l'artiste peaufine d'avantage son jeu d'acteur et ses expressions en intensifiant son travail au théâtre. Ses relations en Allemagne de l'Est lui permettent notamment de jouer son propre rôle et de signer la bande originale du film Moi, Christiane F. 13 ans, droguée, prostituée... S'il ne s'agit pas là de son rôle le plus connu, l'oeuvre obtiendra un écho considérable outre-Rhin. Puis, le londonien se tourne du côté de sa terre natale pour révéler un peu plus sa personnalité aux côtés de deux femmes, Catherine Deneuve et Susan Sarandon. Tony Scott est à la réalisation de Les prédateurs. Le talentueux frère de Ridley Scott signe ici un bijou sous-estimé, oscillant entre érotisme, thriller, horreur, romance. Les costumes sont signés Yves Saint Laurent, la photographie opte pour une image raffinée mettant en images une histoire de vampirisme déroutante...

Susan Sarandon et David Bowie dans "Les prédateurs"

Les rôles sont donc, jusqu'ici particulièrement variés et rien ne semble entraver les capacités de l'artiste dont la personnalité illumine chacune des prestations. Mais Bowie se cantonne aux rôles de second plan et se distingue par une interprétation de qualité aux côtés de réalisateurs de talent. Les années 1980 sont celles où l'artiste y incarne le plus de personnages, tout en refusant certains rôles qu'il juge peu appropriés. L'homme qu'il est apprécie avant tout des rôles complexes, esthétisés et non pas monotones. En 1983, il obtient le rôle principal dans un film japonais connu en Europe sous le nom de Furyo ( Senjō no merī kurisumasu) de Nagisha Oshima, aux côtés de Takeshi Kitano, star en son pays. Le film est présenté à Cannes. Puis, en 1986, il incarne un roi gobelin dans Le labyrinthe et deux ans plus tard c'est le d'ores et déjà reconnu Martin Scorsese qui le choisit pour incarne Ponce Pilate dans La dernière tentation du Christ dont le scénario est signé Paul Schrader (Taxi Driver, Rencontres du troisième Type, Raging bull...). Ce film tient une place considérable dans la filmographie du chanteur, dans la mesure où sa sortie en France s'accompagne d'une véritable vague de haine parmi la communauté catholique conservatrice, considérant l'oeuvre comme une attaque de front envers la religion. La sortie en salle s'accompagne d'attentats à Paris, de déprogrammations, et de parjures envers Jack Lang, alors ministre de la culture ayant permis à Scorsese l'obtention de fonds nécessaires à la réalisation de son film.

Philip Jeffries, un agent du FBI déroutant.

Outrepassé cet épisode houleux, David Bowie se tourne l'espace de quelques épisodes vers David Lynch, en pleine réalisation de sa série culte Twin peaks. Il y incarne un agent du FBI, Philip Jeffries, un personnage particulièrement déroutant, une nouvelle fois. La série, portée à l'écran en 1992, est une réelle réussite narrative et stylistique grâce à l'ambitieux travail de Lynch et son équipe.


Quelques années plus tard, Bowie, fasciné depuis toujours par l'artiste plasticien Andy Warhol, obtient un rôle dans un biopic sur le peintre américain Jean-Michel Basquiat, décédé en 1988. Véritable pionnier de la culture underground aux Etats-Unis, celui-ci eut une brillante carrière artistique, exprimant sa vision du monde à travers New-York, grâce à l'art urbain (graffitis, musique urbaine, cinéma indépendant). Sa vision, celle d'une création artistique libérée, émancipée, est pleinement célébrée dans Basquiat, sorti en 1996 et réalisé par le peintre Julian Schnabel (Le scaphandre et le papillon) , dont la distribution est vertigineuse et remplie de rôles secondaires aux côtés de Jeffrey Wright tenant le rôle principal : Dennis Hopper, Gary Oldman, Willem Dafoe, Courtney Love, Benicio del Toro et David Bowie... dans le rôle d'Andy Warhol.

Méconnaissables, David Bowie et Jeffrey Wright incarnent deux amis dont l'art est l'essence même de la vie.

L'occasion était parfaite pour le chanteur afin de connecter ses passions et célébrer l'art dans ce qu'il a de plus libre et de plus prometteur. Mais indéniablement, le spectateur est étonné de la grande variété des registres exprimés par David Bowie dans sa carrière parallèle d'acteur, capable d'incarner un nombre considérable de rôles de second plan particulièrement soignés et décisifs dans ses orientations artistiques, culturelles et en conséquence, musicales.


Casting de prestige, photographie réussie et scénario hors-pair : "Le Prestige" est un film particulièrement agréable.

La fascination de Bowie pour les personnages ambivalents et ambigus s'exprimera jusqu'à son retrait de la scène : en 2006, le britannique accepte de jouer sous la houlette du réalisateur Christopher Nolan dans l'excellent Le Prestige, film à énigme et de science-fiction mettant en scène la bataille entre deux prestidigitateurs londoniens de l'époque Edouardienne (début du XXe siècle). Si Bowie décline d'abord le rôle, Nolan se rend finalement auprès de l'artiste afin de le convaincre de jouer Nikola Tesla, sur fond de la "guerre des courants" face à Thomas Edison. Pour l'un de ses derniers rôles au cinéma, le chanteur tient à nouveau un second rôle crucial... Celui du créateur, du révolutionnaire, du visionnaire sans doute, une personnalité qu'il aurait dû également incarner en 2017 dans Blade Runner 2049, mais son décès brutal obligea Denis Villeneuve à se tourner du côté de Jared Leto pour lui conférer le rôle de Niander Wallace, fondateur de la Wallace Corporation, créateur de réplicants et richissime manipulateur dans un monde post-apocalyptique...

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